Des émotions qui propulsent les affaires

J’adore l’analogie du marathon pour décrire le parcours entrepreneurial et le cheminement personnel. Les entrepreneurs sont effectivement des coureurs de fond. Et, les affaires, c’est aussi une question d’endurance. Que ce soit en tailleur et cravate ou en tenue sportive, les « coureurs » doivent bien se préparer et s’entraîner, se commettre à 100%, partir du bon pied, en confiance, et surtout, gérer leurs énergies pour durer tout au long de la route. Comme pour un marathonien, la préparation émotive et psychologique de chacun est cruciale en démarrage d’entreprise. Les « couleurs émotives » et les prédispositions mentales teinteront la prise de décisions.
Cette semaine, je vous présente mon entrevue avec Isabelle Moïse, consultante en marketing événementiel et communications. 
J’aborde avec elle la gamme des émotions ressenties depuis le début de sa « course », depuis qu’elle est à son compte, sous iMoïse Conseil.


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Courser quand on est fin prêt!

Isabelle Moïse l’admet d’entrée de jeu: elle n’aurait certainement pas pu partir à son compte il y a 10 ans. Désormais plus expressive, moins naïve, plus assumée, elle se considère plus tempérée dans ses réactions, plus mesurée. Elle écoute davantage avant de donner son opinion. Diverses expériences de vie personnelles, le marché du travail, des voyages autour du monde aussi, auront su nourrir sa confiance en elle et sa maturité.

Respecter son rythme, prendre régulièrement son pouls

Pour Isabelle, la question des émotions en affaires est d’autant plus pertinente qu’elle offre ses services de consultante. Comme elle est en quelque sorte son propre produit, son stress ou ses humeurs se reflètent automatiquement dans la mise en oeuvre de ses mandats. Elle y est donc très sensible.

Travaillant souvent de chez elle, seule, elle n’a plus à maquiller autant ses états d’âme au quotidien pour des collègues. Elle est plus connectée à ses émotions et se laisse imprégner davantage de ces dernières, pour son plus grand bien-être.

« En entreprise, même si on est habituellement invité de bonne foi par nos patrons à verbaliser nos sentiments, il est tout de même de mise de contrôler davantage ses élans émotifs et de gérer les perceptions de nos collègues quant à nos vulnérabilités. C’est aussi une question de civisme et de respect envers les autres. Ces derniers n’ont pas à subir tous nos aléas émotionnels. Chez soi, on peut plus se laisser aller, on est moins « dans le contrôle ».  On peut voir cela comme un des avantages à travailler de la maison!», plaisante-t-elle.

Gérer ses émotions, gérer ses énergies, écouter son corps… et son esprit

Depuis qu’elle s’est lancée en affaires il y a un an, l’émotion qui l’a le plus surprise est sans conteste l’angoisse, la peur de l’échec et par ricochet, celle de décevoir les autres.

Cette peur entraîne parfois chez Isabelle des comportements perfectionnistes. Isabelle reconnaît qu’elle veut plaire et vise à livrer en tout temps ses mandats à la hauteur des attentes de ses clients.  Elle travaille donc sans compter ses heures de travail et met les bouchées doubles si nécessaires. La fatigue la guette. Heureusement, elle en est bien consciente.

« J’ai eu une grosse grippe au début de l’année et je fais régulièrement de l’insomnie. Ça ne m’arrivait jamais avant. Je réalise qu’il faut faire attention », mentionne-t-elle.

Des émotions qui ralentissent la course

Certaines personnes de nature très confiante peuvent, à la suite de succès, développer un sentiment de toute-puissance. L’enthousiasme des pairs à l’égard de leur offre et l’obtention d’une soudaine reconnaissance publique peuvent entraîner un ego trip chez les entrepreneurs aux tendances narcissiques. Des projets mégalomanes voient alors parfois le jour et peuvent les mener à leur perte.

À l’inverse, les émotions négatives peuvent également dégénérer selon la personnalité des entrepreneurs.

« Quand on est seul, on peut avoir tendance à manquer de perspective, à douter, à « empirer » les faits, à déformer la réalité. L’entourage et la famille sont alors précieux pour nous aider à ramener les choses à leurs proportions réelles. Il ne faut pas donner prise à nos tendances paranoïaques, exacerbées par les moments de fatigue. Ventiler et prendre le point de vue des gens de confiance autour de nous aident énormément en ce sens », explique Isabelle.

Savoir se relever et visualiser les prochaines étapes

L’expérience du deuil aide à s’outiller pour faire face à d’éventuels échecs en affaires. 

« Quand on vit un échec en affaires, on passe sensiblement par les mêmes phases que lorsqu’on vit un deuil: le choc et le déni, la douleur et la culpabilité, la colère, le marchandage, la dépression, la reconstruction et l’acceptation. Quand on a déjà vécu un deuil – dans mon cas, c’était celui d’une relation – on est déjà un peu plus familier avec nos mécanismes de défense à travers les étapes de deuil. On comprend mieux ce qui nous bloque et on visualise plus facilement les portes de sortie. On a des attentes plus réalistes aussi par rapport au temps que l’on s’alloue pour passer à autre chose », confie-t-elle.

Faire de nos peurs notre moteur et être indulgent envers soi

Seule maître à bord chez iMoïse Conseil, tout repose sur ses épaules. Cette pression constante lui pèse toujours, mais elle la gère de mieux en mieux chaque jour.

« La peur de l’échec et la peur du jugement sont devenues pour moi des moteurs. Ces peurs m’obligent à toujours être en mode solution. J’ajouterais même que mon récent célibat a également alimenté cette approche. Je suis « à cheval » entre la route des affaires et mon cheminement personnel. Mes émotions positives me propulsent à tous les niveaux. Le fait de ne pas avoir trop d’attentes précises en termes de résultats m’aide à ne pas être trop déçue ou d’avoir un sentiment d’échec si des « étapes » sont franchies avec moins d’éclat que d’autres. C’est un « flou artistique » qui me dessert bien présentement étant donné que je n’en suis qu’à ma première année en affaires. Ça me rend plus indulgente face à moi-même», ajoute-t-elle.


Vous pourriez aussi aimer:

Le corps, ce partenaire d’affaires capricieux:  Le corps est aux premières loges des démarrages d’entreprises. Mon entrevue avec Frédéric René, co-fondateur de Likisoft. Il se confie sur la question de la somatisation et de la gestion du stress en affaires. 

À ne pas manquer mardi prochain:

Collaboration spéciale: Mélanie Heyberger, entrepreneure et co-fondatrice chez Le coffret de Rachel. Elle témoignera de son expérience dans « l’ascenceur émotionnel » dans lequel l’a entraînée le démarrage de sa compagnie, il y a à peine 8 mois!

Aussi, le point de vue d’une mentor chevronnée, Solange Côté, ASC, qui nous partagera ses observations sur la question des émotions en affaires.

Donc, c’est un rendez-vous!

Karina Brousseau, éditrice 

 

Un démarrage d’entreprise haut en émotions

Les émotions sont-elles un frein à la performance ou sont-elles plutôt un levier incroyable à la créativité? Des émotions, positives ou négatives, jalonnent tout le parcours entrepreneurial. Sur le blogue Le feu sacré, tout au long du mois de mai, j’aborderai la question du spectre des émotions ressenties par les entrepreneurs en démarrage d’entreprise. Cette semaine, c’est Andry Lant Rakoto, CEO des produits fins Marclan, qui se confie sur la délicate question. Pour cette jeune entrepreneure, le support émotif est tout aussi nécessaire que le support technique pour réussir en affaires.



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Des sentiments surprenants

Il y a à peine 5 ans, elle quittait Madagascar pour immigrer au Québec.
Depuis qu’elle a démarré son entreprise
Marclan en 2014, Andry Lant Rakoto a connu des hauts et des bas.
Elle a « pivoté » quelques fois, elle a connu des périodes de « vaches maigres », elle s’est engagée dans plusieurs nouvelles relations d’affaires, etc. Les défis de réseautage et de développement de marchés ne manquent pas. 

Les choses sont désormais stabilisées. Elle affronte l’avenir avec confiance, très fière du chemin parcouru jusqu’à présent. Épouse engagée et mère de 2 enfants en bas âge, elle a par ailleurs appris à ne rien prendre pour acquis et à gérer ses émotions en privé.

« Il faut beaucoup d’humilité quand on démarre en affaires. Cela affecte l’évaluation de notre propre travail dans le cadre du développement de notre entreprise, de son évolution ou de l’état d’esprit avec lequel on l’exécute », explique Andry. 

« Mon impatience, c’est ce que j’ai le plus de difficulté à gérer au quotidien. Il faut apprendre à laisser le temps faire son oeuvre. Et, le sentiment d’impuissance, c’est peut-être l’émotion qui m’a le plus surprise jusqu’à présent. C’est d’autant plus difficile à vivre dans les débuts, quand on vit de la solitude et qu’il faut s’encourager soi-même. C’est connu, les gens de l’extérieur attendent les résultats avant de nous donner des « tapes » dans le dos… » poursuit-elle.

Dans l’oeil du dragon, à côté des émotions

Le financement de notre projet d’entreprise fait partie de ces « tapes » dans le dos. Le cautionnement de notre stratégie par des investisseurs reconnus a un effet très motivant. Les émissions de télévision portant sur le financement de startups telles que Dans l’oeil du dragon connaissent actuellement une popularité incontestable auprès du grand public et nourrissent une image très positive des fondateurs d’entreprises. Démarrer en affaires n’aura jamais été aussi « glamour »! 

Ces émissions ont le mérite de vulgariser les processus de démarrage d’entreprise, de démystifier les différents modèles d’affaires et de mettre sur la sellette des entrepreneurs audacieux.

Cependant, le format de ces programmes peut toutefois minimiser l’impact des blessures entrepreneuriales.

« Ces émissions n’abordent pas le côté émotif des entrepreneurs. Qu’en est-il de l’état psychologique et émotif des entrepreneurs suite à l’abandon du projet par les investisseurs ou suite au refus « public » du financement de leur projet? L’émission n’en témoigne pas… La façon dont les entrepreneurs gèrent leurs émotions suite à des échecs aura pourtant des répercussions importantes sur la poursuite ou l’abandon de leur parcours entrepreneurial», déplore Andry.

Travailler son discours intérieur

On dit qu’il est impossible de prédire un succès d’affaires car chaque situation est unique et complexe. Cependant, on part toujours du principe qu’on va réussir, surtout si on a toujours réussi avant. Ce sentiment de confiance évolue parfois en un sentiment de toute-puissance. En contre-partie, quand on se sent ainsi, on tombe de plus haut!
Tout est une question d’attentes. L’intensité des émotions ressenties par les entrepreneurs est toujours proportionnellement reliée au niveau d’atteinte de leurs objectifs.

Pour Andry, la prudence « émotive » est donc de mise. De plus, elle revendique haut et fort le droit à l’erreur. 

« Je tente de préserver mon égo et de nourrir ma confiance en moi. Les mots que l’on s’adresse ont leur importance. Par exemple, se dire « j’ai essayé » n’a pas la même résonance sur le moral que de se dire « je me suis trompée ». Mon mentor d’affaires m’apporte une aide cruciale pour travailler mon discours intérieur», confie-t-elle.

Mettre les bons mots sur les émotions ressenties n’est vraiment pas facile. Pourtant, verbaliser pour mieux se comprendre et mieux communiquer est essentiel afin de pouvoir diriger nos énergies au bon endroit.

« …un peu comme des panneaux indicateurs sur le bord de la route! », illustre Andry.

L’entrepreneur et son cercle affectif

Que ce soit dans notre noyau familial ou avec nos partenaires d’affaires (le « cercle affectif » de l’entrepreneur), l’énergie et la confiance qui se dégagent de nous ont un impact important sur les proches. Il est donc capital d’adopter une discipline de vie propice au bien-être, où les règles et les impératifs rattachés à notre entreprise et les sentiments harmonieux sont en équilibre.

Elle s’explique:

« Le cercle affectif est crucial dans l’équilibre mental de l’entrepreneur. En période de doute, on a généralement moins d’assurance et ça nous ralentit. Et l’assurance, c’est le liant entre les 2 moitiés du cercle affectif. Nos problèmes personnels et notre fatigue ne devraient pas affecter notre business. À l’inverse, les problèmes de l’entreprise ne devraient pas être ramenés à la maison. La force de l’entrepreneur est de savoir faire la part des choses, de créer une séparation entre la vie personnelle et l’entreprise, et de pratiquer un certain détachement pour atteindre un meilleur équilibre. Ce n’est pas toujours possible, bien entendu, mais c’est un idéal à atteindre, selon moi.»


À ne pas manquer la semaine prochaine:

Frédéric René, co-fondateur de Likisoft, nous parle de somatisation: comment son corps trahit parfois son état d’esprit et le fait mentir sur sa capacité à toujours bien gérer son stress!

Donc, c’est un rendez-vous!

Karina Brousseau, éditrice du blogue