Dossier B2B: le pouvoir de négociation des jeunes startups

En période de démarrage d’entreprise, mettre son temps là où il rapporte le plus est capital! Likisoft l’a bien compris et superpose maintenant plusieurs chapeaux lorsque vient le temps de vendre ses services aux marchands.
Frédéric René, co-fondateur de Likisoft, est de plus en plus soucieux d’assurer l’équilibre entre les efforts portés pour vendre et les revenus rattachés à chacune des démarches, pour chacun des marchés visés.
Dans le cadre de notre dossier spécial B2B sur le blogue Le Feu sacré, voici ma 2e entrevue à ce propos.

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B2….

B pour marchand-utilisateur de la plateforme Liki

Pour rejoindre les marchands qui pourraient se prévaloir d’une boutique Liki pour vendre leurs propres produits en ligne, la mécanique de vente de Likisoft est désormais bien « rodée », et est devenue mécanique, en quelque sorte.

La vente est adaptée au parcours des marchands. S’ils n’ont jamais fait de vente en ligne, l’aspect d’éducation, de vulgarisation des mécanismes et des meilleures pratiques du commerce électronique sera la clé pour les intéresser à la solution de Liki.

Pour les marchands qui vendent déjà en ligne, Liki table plutôt sur les irritants actuels qu’ils vivent avec leur plateforme puis oriente le discours autour de ces derniers pour mettre en valeur la simplicité de l’outil proposé.

Les prospects sont faciles à identifier puisque le repérage des opportunités d’amélioration se fait en ligne! Tout est transparent et les vendeurs de Liki ont accès aux comparables des clients, aux sites de e-commerce de leurs compétiteurs. Personnaliser le discours devient ensuite un jeu d’enfant.

Sa meilleure arme pour convaincre les clients, celle qui fonctionne à tous les coups lors de négociation: la démo! Humblement, Frédéric mentionne: « L’essayer c’est l’adopter, comme on dit! La promesse de simplicité est réellement respectée et les clients s’en rendent compte assez vite. » Puis, il n’hésite pas à faire valoir les commentaires positifs reçus des clients satisfaits. Il précise: 

« Le fait d’avoir réussi à vendre nos boutiques de e-commerce à des marchands reconnus tels que Les chocolats Geneviève Grandbois, nous a également beaucoup aidé à convaincre d’autres marchands d’adopter notre solution, il va sans dire! »

En ce qui a trait aux négociations, ça devient de plus en plus mécanique, car l’équipe de vente ne négocie pas vraiment. Les coûts sont fixes et affichés en ligne. Dans l’optique où Liki tente de développer une clientèle notamment aux États-Unis, l’équipe tente de minimiser les interactions avec les marchands.

« Faut que ça se fasse à distance et faut que les efforts de notre équipe soient portés stratégiquement en fonction des revenus potentiels avec chacune des nouvelles boutiques. Dans le cas des boutiques clés-en-main, on parle de 80$ par mois. L’objectif est donc vraiment d’avoir un site auto-portant et de rendre son utilisation la plus intuitive que possible, tant pour l’achat d’une boutique en ligne que pour l’intégration et la mise à jour des photos des produits, des prix, des promotions (…) à l’intérieur de cette dernière », mentionne-il.

B pour revendeurs de la solution Liki

Likisoft mise depuis quelques mois sur une stratégie de white label pour développer sa clientèle B2B.

Cette stratégie obtiendra, dans les années à venir, un maximum d’effort et d’attention de la part de toute l’équipe, car elle illustre déjà sa rentabilité. Les modèles de partenariat sont déjà mis à l’essai avec plusieurs revendeurs, attirés par les possibilités d’adaptation des boutiques et les opportunités de branding. Malgré leur statut de « jeune startup », ils sont agréablement surpris de la réponse des prospects et jouent déjà dans la cour des grands.

« Beaucoup de temps est investi dans la préparation de nos rencontres avec les clients. On peut facilement faire 2 ou 3 rencontres avec ceux-ci, juste pour débrouiller les besoins ou clarifier un ou deux points précis. On ne passe pas en mode téléphone ou courriel avant 3 rencontres. La confiance est au coeur du succès des démarches, et on n’hésite pas à mettre le temps nécessaire pour mettre toutes les chances de notre côté. Chez Liki, on prépare très sérieusement chaque rencontre. On peut passer facilement 5-6 heures par client, en équipe de 3 ou 4 personnes. Faites le calcul!» admet Frédéric.

Après avoir identifié les besoins et les personnes clés, notre VP développement des affaires, Ray Chery, fait un premier appel de présentation. Toute l’équipe débriefe ensuite avec lui et on personnalise et prépare les prochaines rencontres selon les intervenants rencontrés et leurs intérêts (si ces derniers sont davantage intéressés par l’aspect technique ou par l’aspect marketing de notre solution). On envoie tour à tour les meilleurs ambassadeurs de Likisoft selon les intervenants impliqués du côté client. Cette étape est répétée si d’autres intervenants se joignent à l’équipe de négociation du client. On prépare souvent des projets pilotes, donc on investit du temps additionnel au niveau des opérations.

Frédéric souligne:

« Le cycle de vente est donc très long, souvent de 3-4 mois. Il faut tenir compte de la qualité des échanges, de l’interaction avec les gens en position décisionnelle, et de l’évaluation du sérieux des intentions du client rapidement en début de négociation. Il en va de la rentabilité des démarches de vente. C’est un investissement trop important en termes de temps de notre côté pour négliger quoi que ce soit et risquer de l’échapper. C’est pourquoi en vendant à l’essai des forfaits de licences de tailles différentes, on a déjà un aperçu concret du pouvoir d’achat de nos interlocuteurs et une bonne idée des possibilités subséquentes avec les agences, entre autres».

Parce qu’on ne peut pas plaire à tous

Transparent, Frédéric avance: « J’aime bien négocier à deux! On a développé une bonne dynamique, M. Chery et moi. On se complète énormément lors de rencontre. Il est plus exubérant, plus prompt, plus efficace sous pression que moi. Pour ma part, je suis très posé, analytique et je vois certaines choses que lui ne voit pas nécessairement pendant qu’il parle. J’observe énormément les réactions de tous les intervenants autour de la table pendant qu’il présente nos services. En fonction des réactions, je vais ajouter des arguments ou ajuster le discours avec un complément d’information, à ma façon, pour rallier les gens qui n’auraient peut-être pas accroché autant a priori. Ainsi, on ratisse plus large, comme on dit! »

Côté cadeaux, Liki garde ses sous pour autre chose! « On a toujours procédé dans des bureaux, ceux des clients ou les nôtres. On n’a jamais eu besoin de « sortir » les clients, offrir des à-côtés particuliers comme des repas au restaurant ou des billets de hockey. Ce n’est pas comme cela qu’on a bâti nos relations de confiance jusqu’à présent, au Canada du moins. Et les clients ne nous en tiennent pas rigueur: on sait pertinemment que cela ne nous porte pas préjudice. Par contre, à l’étranger c’est différent. Nous devons nous adapter à la culture et dans le doute, nous sommes moins en mesure de juger de notre marge de manoeuvre sur les bonnes pratiques de vente. On est donc plus enclin à inviter les clients potentiels», mentionne Frédéric.

Trois grandes leçons de négociation apprises depuis le démarrage de Likisoft:

  1. Ne jamais perdre de vue notre objectif ou ce qu’on voulait aller chercher dans la négociation.
  2. Savoir quand c’est une question de respect pour soi-même que de dire non!
  3. Lors de négociation, demandez toujours « pourquoi? », lorsqu’une question nous est posée, pour être en mesure de bien y répondre !

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Et, vous quelles sont les grandes leçons apprises en vente et négociation d’après votre expérience ?

Faîtes-nous part de vos commentaires!

À ne pas manquer mardi prochain:

Les rapports de force entre les travailleurs autonomes et leurs clients au cours des négociations de services B2B. Mon entrevue avec Isabelle Moïse, consultante en marketing événementiel, gestion de projets et communications. 

Donc, c’est un rendez-vous!

Karina Brousseau, éditrice du blogue

L’art de pivoter

Certains voient des signes partout…

Puis, d’autres disent qu’il s’agit de chercher des signes pour en trouver, pertinents ou non…

Disons que, pour ma part, je suis fascinée par les timings! La chanson préférée de mon amoureux qui joue en sourdine à l’épicerie au moment-même où j’oubliais d’acheter le pain qu’il m’avait demandé. Ce genre de coïncidences rigolotes et inoffensives nous font profiter des clins d’oeil de la vie!

Pour la première thématique, celle du mois d’octobre, il me semblait évident qu’il fallait trouver un sujet qui serve à la fois à intéresser le lectorat, mais aussi lui présenter d’emblée le chemin parcouru par les entrepreneurs sous notre loupe!

Le sujet du pivotement, ou l’art de naviguer suite aux disparités entre le plan initial et la réalité concrète, me semblait idéal en ce sens. La notion des changements qui les obligèrent souvent à modifier leur trajectoire ou même parfois à faire des compromis sur leur vision avec tout ce que cela entraîne en termes de stratégie, financement, dotation, etc.

C’est forcé: les feuilles d’automne qui changent de couleurs y ont sûrement été pour quelque chose dans le choix de la thématique, non?  ; )

Cette semaine, je me suis entretenue avec Andry Lant Rakoto (Marclan et Arts&Pierres), spécialisée dans les produits fins et gourmets de Madagascar.

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Malgache elle-même, Andry a une feuille de route impressionnante. C’est avec tout un bagage d’expériences que le Québec l’a accueillie il y a déjà 4 ans. Entrepreneure dans l’âme, elle a démarré ses deux premières entreprises à l’âge de 20 ans, et a été l’instigatrice de plusieurs projets internationaux d’aide aux entrepreneurs dans près d’une dizaine de pays dans le cadre de ses fonctions au sein de deux grandes organisations internationales, la Francophonie et le Groupe de la Banque Mondiale. Son parcours académique en entrepreneuriat, en relations internationales et en comptabilité, doublé de sa passion pour le mentorat, lui ont permis d’aider d’autres entrepreneurs en démarrage au Québec. Elle savait donc pertinemment ce qui l’attendait en lançant, en janvier 2014, son entreprise Produits Fins Marclan.

À la question du mois, elle répond simplement : tout ou à peu près tout du plan de match a été re-visité depuis son démarrage d’entreprise. Heureusement, son modèle d’affaires prévoyait une marge de flexibilité dès le départ. Les prévisions financières dues à un optimisme débordant, les variations du marché des épiceries fines très lié à l’économie, et le manque d’expérience en commerce de détail, sont les principales raisons qui l’ont amenée à revoir sa stratégie de produits et sa stratégie de commercialisation.

Des prévisions de ventes trop optimistes (un classique!)

Au départ, ses ventes de produits (s’avérant surévaluées par la suite) devaient assurer le fond de roulement de l’entreprise. Elle avoue être tombée dans le piège de l’optimisme.

Après avoir fait des études de marché se révélant extrêmement positives en comparaison avec les produits similaires en termes de « packaging », de qualité des produits, et de distribution, elle croyait bien pouvoir compter sur un succès rapide de notoriété, et des ventes substantielles. Au-delà de la rétroaction positive sur ses produits, ses études de marchés ne lui ont pas permis par contre de mesurer suffisamment la résistance des gens au fait de faire affaire avec une nouvelle entreprise sans historique de succès.

En plus, sa stratégie de prix était potentiellement mal adaptée. Autrement dit, elle était tiraillée entre le prix de pénétration et le prix d’écrémage souhaité à maturité éventuelle. Elle craignait qu’un prix trop bas n’entraîne une remontée trop lente pour rattraper le prix du marché dans la catégorie de produits concernés (les épices fines de Madagascar comme la vanille, la cannelle, le poivre rose, le poivre noir et les clous de girofle).

En conséquence, premier pivotement : la consignation ! Les détaillants ont pris ses produits en consignation au lieu de procéder à des commandes fermes, et par ricochet, beaucoup de temps a été investi dans le suivi que cette distribution sous-entend pour le suivi des inventaires en étalage chez des consignataires, de façon régulière (aux 2 ou 4 semaines).

Et puis, surtout, ce sont les ventes qui n’étaient pas assez importantes.

Diversification et commercialisation en ligne

Andry a rapidement ajusté le tir et revu sa stratégie de commercialisation : deuxième pivotement ! Elle en est venue à désormais considérer deux canaux de distribution. Les épiceries fines demeuraient toujours une voie incontournable, mais le web devait désormais faire partie de l’équation. En plus de permettre une plus grande disponibilité des produits, cette stratégie sur Internet permettrait d’accéder à de nouveaux fonds.

Ainsi, elle a reçu de nouvelles sommes d’argent des programmes d’aide au développement du commerce électronique, et les a investies dans l’élargissement de sa gamme de produits, et dans la mise sur pied de sa plate-forme de boutique en ligne.

En plus des épices, elle ajoute rapidement des produits corporatifs pour bonifier son offre. Coffrets de thé de Madagascar, sirop d’érable à la vanille de Madagascar, et chocolats fins au poivre rose sont désormais disponibles aux internautes. Une autre gamme de produits est en train de voir le jour en ce moment-même, celle des breuvages. Le café grand cru (depuis le mois d’août 2014) et bientôt le thé noir, ainsi qu’un mélange de chocolat chaud de luxe aux effluves de l’île-vedette verront le jour sous peu. Tout s’enchaîne à vive allure. C’est en moyenne un nouveau produit par mois qui s’additionne à la gamme de produits.

Un financement en multiples phases

Elle résume ses démarches en disant : «J’avais les moyens de démarrer, mais pas tous les moyens pour pivoter». Sa recherche de financement en différentes étapes était la conséquence de son besoin d’ajuster son modèle daffaires. Elle admet que cest difficile de trouver les justificatifs de financement supplémentaire, quand les ventes ne sont pas encore au rendez-vous. 

Les premiers mois en affaires au Québec d’Andry lui ont donc permis de pratiquer « l’art de pivoter ». C’est par ailleurs toujours en gardant sa vision initiale qu’elle a jazzé son plan d’action. 

Le mot de la fin:

Conseil d’Andry:  » Toujours partir dun modèle daffaires comportant plusieurs scénarios, et avoir les moyens minimum pour les réaliser sans que le financement de ces derniers ne  dépende des ventes ! ».    

Qu’est-ce qui se trame?

Pour Andry, le prochain mois sera focalisé sur ses défis de commercialisation en ligne. Elle devra faire soumissionner différentes agences spécialisées en web pour dresser un portrait détaillé de la situation et maximiser l’efficacité de son site.

Plusieurs actions seront nécessaires pour maximiser son référencement et booster son trafic, mais surtout, augmenter ses ventes en ligne (son taux de conversion).

Bien consciente de ses limites en la matière, elle prévoit déjà se renseigner davantage sur les meilleures pratiques à suivre, et démystifier le jargon utilisé dans le milieu. Le SEO, les campagnes Adwords, le PPC, le UX autant d’acronymes à décortiquer, pour être mieux outillée et négocier avec les soumissionnaires, et juger de leurs offres de services.  Elle poursuivra également ses réflexions entourant la pertinence d’avoir pignon sur rue.

(À noter: Une éventuelle thématique du blogue Le feu sacré portera d’ailleurs sur les meilleurs pratiques web. À suivre!)

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À surveiller la semaine prochaine, sous le même thème:

Frédéric René (Likisoft) sera sous les feux de la rampe. On abordera entre autres les défis du développement d’une solution de commerce en ligne, et les délais dus aux imprévus de programmation dans le calendrier de commercialisation .

Donc, à la semaine prochaine!

Karina Brousseau, éditrice du blogue