On en parlait la semaine dernière avec Andry Lant Rakoto (Marclan et Arts&Pierre), pivoter en affaires est inévitable, et souvent essentiel. Plus que jamais, les entreprises n’hésitent pas à sortir un produit, même s’il est imparfait, et à le raffiner, au fur et à mesure que le feedback des clients abonde.
« Ne vendez pas ce que vous pouvez faire, mais faites ce que vous pouvez vendre! », comme disait l’autre. Tel est l’adage de la philosophie de Lean Startup.
A la barre cette semaine, Frédéric René, VP opérations chez Likisoft.
Chez Liki, depuis la fondation en 2011, son frère co-fondateur Jean-François René et lui ont modifié le modèle d’affaires, la stratégie de communications, ont revu le calendrier de développement, et amendé la stratégie de distribution.
Changement de plate-forme transactionnelle et de modèle d’affaires
L’idée de départ était de tabler sur les efforts déployés en programmation, et récupérer le concept des ventes aux enchères en ligne qui avait permis à bidou.ca, leur précédente entreprise, de connaître une notoriété incontestable. Pionnière au Québec dans cette catégorie de sites transactionnels, la plate-forme de Bidou a permis de concrétiser plus de 40,000 ventes en ligne de produits en 3 ans, et le site a été vendu récemment avec succès.
En menant des focus group avec, à la fois, des gens qui avaient déjà leur boutique en ligne, et des gens qui n’en avaient pas encore, il s’avérait limpide que les entreprises intéressées au e-commerce avaient besoin de supporter leur identité en ligne, et voulaient se servir de façon intensive de ce canal de distribution pour augmenter la notoriété et les ventes de l’ensemble de leurs produits. La logistique entourant la livraison, la mécanique de commande, ainsi que le calcul des taxes étaient également pour eux très lourds. La solution de Likisoft devait leur offrir un service clé-en-main.
Conséquemment, le calendrier de commercialisation a dû être adapté, et c’est en avril 2013 que le logiciel a pu être lancé.
Il précise: « Ces délais du développement de l’outil n’étaient pas liés au design ergonomique qui devait changer, mais à une plus grande complexité de programmation du coeur du logiciel de notre solution de commerce en ligne. »
Précision de l’image de marque (ou la petite histoire d’un slogan!)
Au début de la commercialisation, la responsable des ventes s’affairait activement à intéresser artisans, détaillants, artistes et tutti quanti à la nouvelle solution de commerce électronique. C’est alors qu’on constata que le message mis de l’avant n’avait pas l’effet escompté, était perçu différemment de ce qu’aurait pu laisser espérer les focus group.
« On misait beaucoup sur la rapidité d’utilisation de la solution dans nos messages : « Montez votre boutique en ligne en seulement 1 heure! ». Dans les discussions en amont, nous n’avions pas réalisé qu’on avait peut-être biaisé les résultats, sans le vouloir, en accompagnant ce slogan d’explications aux participants des focus group. Mais pour plusieurs, sur le terrain, sans explication, cette promesse semblait irréaliste et donnait l’impression qu’on n’était pas sérieux, qu’on charriait ni plus ni moins. » mentionne Frédéric.
Ils ont ajouté à ce slogan une deuxième accroche, soit: « Vendez-livrez-encaissez » pour finalement se camper sur le slogan en vigueur actuellement: le commerce en ligne simplifié.
Cet ajustement a eu un impact très positif par la suite. Dommage que beaucoup d’énergie ait été perdue dans l’utilisation des messages précédents. La formation des vendeurs de la solution, et le temps passé à s’adresser à d’éventuels clients de façon moins efficace se sont étalés sur plus ou moins 5 mois. « L’impact financier de faux pas « communicationnel » est difficile à quantifier, malheureusement », admet-il.
La marque blanche de la solution: la solution !
Après 6 mois d’efforts soutenus, les ventes n’atteignaient que 50% des prévisions réalistes. Les deux frères cherchent donc une solution pour optimiser leur approche B2B ou « business to business ».
C’est en jasant avec des collaborateurs en agence, manifestement déjà sollicités par leurs clients pour des solutions de commerce en ligne, que l’idée leur est venue d’offrir l’outil de Liki en marque blanche. Autrement dit, des revendeurs pourraient désormais proposer à leurs propres clients d’utiliser les gabarits de Liki pour monter leurs boutiques virtuelles, ainsi que toutes ses fonctionnalités de livraison, en s’appropriant le produit, et en y intégrant leur propre marque. Il y a partage des revenus, conséquemment.
La bonne nouvelle c’est que le marché se montre déjà très intéressé à cette approche. Grâce à cette nouvelle avenue prometteuse, ils ont ainsi pu remonter les prévisions de vente à 75% en 6 mois seulement. De surcroît, les investisseurs et bailleurs de fonds renouvellent leur intérêt envers Liki, et les promesses d’injection de sommes additionnelles réjouissent l’équipe, il va sans dire!
On ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs! Le fait de placer en priorité le développement de la marque blanche a donc reporté de plusieurs mois (4 à 5 mois) le développement de nouvelles fonctionnalités intéressantes dans le logiciel. Le pivotement, à ce chapitre, sera une fois de plus nécessaire!
Le mot de la fin:
Conseil de Frédéric: Il est crucial de constamment observer les indicateurs de succès, et faire des ajustements régulièrement, aux trois mois s’il le faut. Il est souhaitable de ne pas attendre d’être au bord de la panique pour pivoter. Les changements prennent parfois beaucoup de temps à s’exécuter, donc il faut prévoir une marge de manoeuvre, tant financière que temporelle!
Qu’est-ce qui se trame?
Pour Liki, et comme on s’en doute à la lumière de cet entretien, c’est l’acquisition de nouveaux clients qui occupe le haut de la pile des dossiers pour les prochaines semaines. Acquérir des revendeurs en marque blanche, et optimiser l’adoption de l’outil de commerce en ligne de façon spontanée par des marchands (sans avoir recours à la force de vente directe), représentera le plus gros défi du prochain mois. L’élaboration d’une stratégie de publicité en ligne est déjà entamée en ce sens.
——————————-
À surveiller mardi prochain, toujours sur le thème de L’art de pivoter:
On questionnera cette fois Isabelle Moïse (iMoïse Conseil) sur sa période d’adaptation depuis qu’elle travaille à son compte, depuis 1 an, comme consultante en stratégies marketing et événementielles.
Donc, à la semaine prochaine!
Karina Brousseau, éditrice du blogue
Bravo à Frédéric et son équipe, la commercialisation en marque blanche semble porter fruit!
Une stratégie de marque blanche peut être un moyen fabuleux de propulser ses ventes! Petite mise en garde par ailleurs: elle peut parfois nuire au potentiel à long terme. A voir si cela peut s’appliquer dans votre cas.
En effet, si le focus n’est pas le marketing, ou si on se bat contre des marques établies, ces ententes peuvent représenter un atout indéniable, offrant une profondeur de marché via le pouvoir du réseau des revendeurs, sans les risques et les coûts de mise en marché.
Toutefois il faut rester vigilants! En tant que revendeur, j’ai pris part à des négociations où nous avons obtenu des clauses d’exclusivité et option d’achat sur le partenaire. Dans le contexte, c’était gagnant pour toutes les parties: pour nous, une façon de protéger notre chaîne d’approvisionnement advenant un grand succès; pour le développeur, des revenus sur le marché canadien alors inexploité, et du capital pour développer et innover afin de favoriser une croissance accélérée. Des clauses d’exclusivité ou options d’achat peuvent par contre hypothéquer le futur d’une jeune entreprise.
Voici de façon générale les avantages et inconvénients que je constate pour la marque blanche:
Les plus:
– Permet d’éviter les risques et frais élevés du marketing
– Permet d’accéder à de bons clients
– Si votre intérêt est pour le développement de la technologie, alors ça permet de se concentrer sur ce que vous aimez!
Les moins:
– Ne permet pas de bâtir sa marque de commerce
– Génère une marge de profit plus faible à long terme
– Alimente la compétition (si vous envisagez lancer votre propre marque éventuellement)
– Diminue le contrôle: comme il y a un intermédiaire entre le développeur et le client, le feedback et les améliorations techniques pourraient être moins efficaces
Comment minimiser les risques?
– Soyez avisés des demandes de personnalisation du produit par les revendeurs afin d’avoir de la visibilité sur le calendrier de développement et comment les priorités seront impactées
– Ayez une entente de service (SLA) bien structurée: assurez-vous de pouvoir opérer de façon profitable. Un grand volume n’y changera rien si le modèle de support ne convient pas.
– Diversifiez (éviter la concentration avec un nombre limité de revendeurs dont vous seriez dépendants)
– Veillez à sélectionner les bons partenaires. Il faudra une relation harmonieuse entre le développeur et les revendeurs pour que ce soit un succès, avec des termes financiers qui font du sens pour tous!
J’aimeJ’aime
Merci Catherine pour cette réflexion. Ces recommandations judicieuses sont très bienvenues. J’apprécie grandement les nuances et les mises en gardes que vous énoncez. Il est vrai que de choisir d’offrir une solution en marque blanche n’est pas une décision facile à prendre.
En effet, actuellement, les points positifs dominent sur les aspects négatifs. Dans un environnement où les technologies évoluent à vitesse grand V, il est non négligeable pour Liki d’atteindre les marchés le plus rapidement possible. Nous sommes une entreprise avec une grande expertise technologique et c’est ce que nous voulons mettre de l’avant pour continuellement développer et innover. Travailler avec des partenaires revendeurs nous permet d’atteindre certains marchés plus rapidement. Toutefois, nous nous efforçons de, sans cesse, prendre le pouls de la clientèle directe ou indirecte pour collecter le maximum d’informations susceptibles d’influencer notre développement futur en vue d’améliorer notre solution existante en écoutant les nouveaux besoins des clients.
J’aimeJ’aime